mercredi 7 avril 2010

La taxe carbone est morte : Vive le développement durable




Stéphane Buffetaut
Premier vice-président du CNI
Président de l’Observatoire du Développement Durable
Ancien Député Européen
Président de la Fédération des Yvelines




L’expression développement durable est devenue une sorte de locution fétiche qui doit émailler tout discours politiquement correct ou tout commentaire journalistique, la Commission européenne n’étant pas en reste tant elle ne peut s’empêcher d’adjoindre une touche durable à tous les sujets, fort nombreux, qu’elle aborde.


Il semble pourtant que nombre des adeptes inconditionnels de cette notion en oublie, le premier élément : le développement. Or la notion même de développement durable repose sur trois piliers, le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement. Encore ajoute-t-on de plus en plus la notion de développement culturel aux trois autres piliers. Il s’agit donc d’une conception dynamique et responsable des politiques à mener, en tenant compte des exigences présentes et futures du monde. C’est en quelque sorte une traduction moderne du vieil adage « gouverner, c’est prévoir », c'est-à-dire se sentir comptable et non nécessairement coupable, du monde que nous léguerons à nos enfants. Il existe donc dans la notion de développement durable celle de la conservation et de l’enrichissement du patrimoine non seulement environnemental mais encore social et économique. Il s’agit en fait de gouverner « en bon père de famille » pour reprendre une expression juridique un peu désuète.


Le psychodrame médiatico politique qui a accompagné la mise sous condition européenne de la taxe carbone est significatif d’une certaine conception étroite et idéologique de l’écologie et du développement durable professée par les ligues de vertu verte.


Disons le tout net, le Président de la République et le Premier Ministre ont pris une sage décision. Le projet était mal construit, complexe. Il comportait nombre d’exonérations qui le rendait peu compréhensible pour les citoyens qui s’étonnaient que l’on crée une taxe remboursable !



Le but avoué était de modifier les comportements des particuliers et des entreprises mais entre les exemptions et les remboursements le mécanisme aurait probablement été largement inefficace.



Au demeurant, l’efficacité d’une telle taxation ne joue pleinement, que si particuliers et entreprises peuvent trouver des alternatives à prix abordable. Or c’est loin d’être le cas notamment dans les transports des particuliers où les premières voitures électriques ne sont pas encore sur le marché et que les transports publics ne sont pas toujours suffisamment efficaces.



Quant aux industries, outre le problème concurrentiel, les énergies de remplacement sobre en carbone ne sont pas non plus offertes de façon à permettre un transfert d’une énergie à une autre, ce qui, au demeurant, nécessiterait des investissements lourds.



Notons au passage qu’une fiscalité environnementale ne se limite pas à la seule création de taxes mais qu’elle comprend aussi toute la palette des aides et incitations fiscales, tel ce qui existe en matière d’isolation ou de tarifs verts pour l’électricité.



A l’évidence, ce dont nous avons besoin, également pour éviter les distorsions de concurrence, c’est ce que d’aucuns ont appelé un tarif extérieur carbone, c’est à dire une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne afin de combattre le dumping écologique tant sur le plan industriel que sur le plan agricole, car il est clair qu’il convient de modifier progressivement les fondements énergétiques de notre développement mais sans le sacrifier au détriment de nos populations.



Mais cette mésaventure politique, juridique et médiatique devrait nous amener à réfléchir sur la politique environnementale européenne dans son ensemble et notamment dans l’approche qui a été choisie.



Non sans quelque présomption l’Union européenne se voulait exemplaire pour le monde avec ses objectifs de réduction des émissions de CO2 de 20 % voire de 30 %. Chacun a pu constater ce qu’il en était à Copenhague !



Construction par essence juridique et réglementaire l’Union européenne est championne pour émettre des normes et des obligations sans que l’on sache bien comment l’on pourra raisonnablement atteindre les objectifs fixés. A l’évidence, les autres Etats du monde ne semblent pas prêts à nous suivre sur cette voie et le fait que l’Union européenne, en tant que telle, ait été exclue de la négociation finale de l’accord de Copenhague, ne peut être vu que comme un sérieux revers diplomatique.



De même, le fait que le Président des Etats-Unis ait tenu à conférer, sans les Etats européens, avec la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, n’est guère encourageant.



Il faut désormais réorienter notre action diplomatique écologique de façon beaucoup plus pragmatique, un peu à l’image des initiatives annoncées dans la lettre d’intention sino-américaine de juillet dernier sur les énergies nouvelles et le développement durable.



Le défi que nous devons relever est celui de bâtir les fondations d’un nouveau développement économique et social plus durable, plus économe en ressources naturelles, plus respectueux de l’environnement. Il ne s’agit pas de contraindre les populations à une vie frugale et à un immobilisme frileux.



Pour certains, parier sur les progrès de la science et de la technologie pour nous aider à résoudre les problèmes écologiques qui se présentent à nous relève presque d’une dangereuse utopie. Certes nous devrons certainement modifier certains comportements mais ce ne sera possible qu’avec le recours des progrès techniques et scientifiques. Pour atteindre les ambitieux objectifs que nous nous sommes fixés nous avons à la fois besoin de l’innovation et du pragmatisme.

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